Avant de mettre des fleurs sur un gâteau...

Cet article n’a pas été écrit dans le but de vous faire peur, mais de vous sensibiliser à une réalité que nous côtoyons régulièrement. Ces dernières années, peut-être à cause de la pandémie, on a observé une tendance, celle de vouloir manger des « mauvaises herbes ». Si nous saluons cet intérêt renouvelé pour le monde végétal et pour les champignons, nous constatons que parfois, certains individus débordant d’enthousiasme démontrent des comportements plutôt téméraires.

Sachez qu’il existe d’excellents livres de référence sur la cueillette de comestibles sauvages. Oui, il se donne des ateliers de formation. C’est tout bon! Seulement, ce n’est pas après trois heures d’initiation que vous êtes fins prêts pour l’aventure. Ensuite, ça prend de la pratique! Car l’apprentissage est graduel. Il faut retourner souvent sur le terrain pour faire de l’identification et consolider ses acquis. Il faut continuer à lire, à s’informer, à échanger de nos expériences, etc. Et il faut porter une attention toute particulière aux plantes et aux champignons toxiques.

J’aime bien suivre certaines pages Facebook en anglais (des États-Unis), car leur bassin de population étant plus grand que le nôtre, il génère plus d’activités et de publications. Et puisque la flore du nord-est des É.-U. est semblable à la nôtre, les informations transmises sur les cueillettes, recettes, champignons, etc., sont souvent pertinentes et sources d’inspiration. (Si vous n’êtes pas bilingue, vous pouvez utiliser les applications de traduction pour vous aider.)

Une page qui m’est d’une grande utilité dans la formation continue sur les plantes et champignons toxiques (et sur la vigilance à pratiquer) est Poisons Help; Emergency Identification For Mushrooms & Plants. Ses modérateurs forment un comité d’experts internationaux qui offre de l’aide à l’identification de plantes ou champignons ayant été consommés par des personnes ou des animaux. Une fois l’identification bien établie, l’information sera communiquée par le demandeur à un centre antipoison ou à l’hôpital où la personne est traitée, le cas échéant.

Chaque cas traité est unique, du plus banal au plus troublant. Souvent, c’est la consommation accidentelle d’une plante par un bambin curieux ou un animal de compagnie. On peut comprendre le désir innocent d’un tout petit de vouloir goûter une belle fleur ou un champignon! Là où on est perplexe, c’est lorsqu’un adulte prend le risque de manger une plante, un fruit ou un champignon sans l’avoir bien identifié au préalable. Ça arrive malheureusement trop souvent…

Dans la publication qui a attiré mon attention, illustrée ci-dessous, le cas est plutôt inquiétant :

Capture d'écran

TRADUCTION : « Mon fils a mordu dans cette fleur et est immédiatement tombé en état de choc. Il est actuellement aux urgences à l’hôpital. Cette fleur servait de décoration sur un GÂTEAU provenant d’une pâtisserie! Mon fils adolescent pensait que c’était une fleur comestible, comme une orchidée, puisqu’elle se trouvait sur un gâteau. Il a commencé à ressentir une sensation de brûlure dans la bouche, puis des picotements dans tout le corps, et son colocataire a appelé le 911. Le médecin a déclaré qu’il souffrait d’une « allergie alimentaire », lui a administré de l’épinéphrine […]. Ça ressemble à un lis calla, non? »

Réponse de la modératrice, experte du groupe : « Je suis d’accord, il s’agit bien d’un lis calla, de l’espèce Zantedeschia. Il appartient à la famille des Aracées et toutes les plantes de cette famille contiennent des toxines similaires. Je ne peux pas me prononcer sur les aspects médicaux ou toxicologiques, mais je peux dire que manger une plante de cette famille donne immédiatement l’impression d’avaler des aiguilles. Il n’y a pas lieu de paniquer, mais je vous suggère, à vous ou à votre médecin, de demander conseil au centre antipoison de votre région, car celui-ci connaît bien les cas de personnes ayant ingéré cette plante et aidera le médecin à déterminer s’il y a autre chose. De plus, la personne qui a mis cette plante sur un gâteau devrait recevoir la visite d’inspecteurs de la sécurité alimentaire. »

Ici, c’est en toute confiance que l’adolescent mange du gâteau préparé dans une pâtisserie, il ne remet pas en question la comestibilité de la fleur qui se trouve sur le gâteau. Alors qu’est-ce qui a bien pu se passer? Est-ce que le gâteau provenait vraiment d’une pâtisserie? Est-ce qu’un employé a pris une initiative malheureuse? Est-ce qu’il s’agit d’une erreur de livraison du fournisseur? Une erreur d’identification dans la chaîne d’approvisionnement? Mystère. Espérons qu’il y aura enquête. Pour ceux et celles qui s’interrogent, il est écrit dans les commentaires de la publication que le garçon a été soigné et s’est remis de sa mésaventure. 

Pour l’anecdote, mon frère est allergique aux kiwis. Dès qu’il y goûte, sa langue enfle et double de volume. Avec rougeurs et picotements… Pas létal, mais très désagréable. Ainsi, il demande une jardinière aux fruits « svp, sans kiwi », non par caprice, mais pour éviter une réaction allergique. Malgré cela, mon frère a déjà eu quelques symptômes légers à cause de la contamination croisée : probablement que le même couteau avait servi à couper tous les fruits et n’a pas été nettoyé après avoir coupé les kiwis. Ou alors, la jardinière était déjà préparée et on a simplement retiré les kiwis pour les remplacer par un autre fruit. Ignorance, négligence ou insouciance… qui sait?

Avec tous ces risques d’intoxication, de réaction allergique ou d’intolérance, la prudence s’impose. On ne saurait trop insister sur la nécessité de s’informer, de suivre des formations reconnues, de bien identifier les comestibles sauvages et d’appliquer les précautions d’usage : bien laver avant consommation, manger en petite quantité les premières fois et respecter la limite suggérée**, s’assurer de la fraîcheur, etc.

Nous qui offrons des aliments cuisinés à partir de nos cueillettes de comestibles sauvages ou forestibles, sommes bien au fait des précautions à prendre pour garantir l’innocuité des aliments que nous préparons. Nous sommes soumis à des normes strictes en ce sens. En plus de posséder les qualifications requises grâce aux formations que nous avons suivies, nous avons également obtenu les permis nécessaires à l’exercice de nos activités : permis de gestionnaire d’établissement du MAPAQ, permis de cueillette du thé du Labrador, etc. Nous devons appliquer :

  • une identification sûre à 100 %
  • le respect de la chaîne de froid (surtout pour les champignons)
  • le séchage et la transformation rapides après cueillette
  • l’évaluation et le tri en termes de grades pour la consommation ou transformation
  • le respect des normes et bonnes pratiques de transformation et de conservation (il y en a beaucoup!)
  • la conformité de l’étiquetage, etc.

Nous effectuons des tests d’eau potable deux fois par an, car nous sommes alimentés par un puits de surface et non par le réseau d’aqueduc de la municipalité.

À ce jour, nous n’utilisons que nos propres cueillettes de comestibles sauvages pour fabriquer nos produits. Sans doute qu’un jour nous devrons acheter d’autres cueilleurs, mais ceux-ci devront être en règle, détenir une formation reconnue et tous leurs permis. Puisque nous avons le souci d’offrir une expérience wow!, ça passe obligatoirement par le contrôle qualité des produits. Autrement dit, si le produit n’est pas conforme à nos attentes, nous ne le mettrons pas en vente.

Après tout ça, est-ce qu’une contamination quelconque est possible? Bien sûr. Le risque zéro n’existe pas. Mais sachez que chez Marcheur des Bois, on fait tout ce qu’il faut pour garantir l’innocuité de nos produits.

 

** On recommande de ne pas consommer plus de 250 g de champignons sauvages frais par semaine, ce qui représente à peu près la quantité que vous trouvez dans une barquette de champignons de Paris de l’épicerie.

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